Ma vision des études (2014)

Interview de Jérémy Macq réalisée par Camille Ganzin de la plateforme UpToYouth, publiée le 6 mars 2014.
J’y expose mon avis sur les études, l’emploi, mon rapport à ces derniers et aussi celui de ma génération.

Up To Youth souhaite réunir la génération des 17-27 ans. Comment décrirais-tu cette génération ? Et qu’est ce qui te défini toi au sein de cette tranche d’âge ?

Il y a une grosse différence entre 17 et 27 ans, mais je pense que le point commun de cette génération est d’essayer de faire pas mal de trucs en parallèle des voies communes. Beaucoup de gens de cette tranche d’âge se lancent par leurs propres moyens.
On voit qu’on peut construire soi-même ses projets, et même au niveau du financement il existe d’autres voies que les emprunts ou les subventions des chambres de commerce par exemple. On réalise que l’on n’a pas besoin d’attendre 10 ou 20 ans pour monter son projet. Et moi je suis entièrement dans cet état d’esprit, dans cette voie d’entrepreneuriat.

Peux-tu en quelques mots te présenter, nous en dire plus sur ton parcours et ta situation actuelle ?

J’étais en terminale bac Littéraire. J’ai choisi un bac général pour faire par la suite des études en informatique, et en même temps la filière L me laissait plus de temps pour faire des projets à côté. Depuis la première j’envoie des CV, et suite à ça j’ai décroché un contrat qui m’a permis d’arrêter la terminale 3 mois après la rentrée 2013.
Ma motivation à démarcher les entreprises en envoyant des CV pendant 6 mois était de voir ce qui était réellement possible pour pas trop me faire d’illusions, tâter le terrain. J’en ai envoyé partout, même là où je ne voulais pas travailler, même si c’était loin… juste pour avoir des retours. J’ai eu beaucoup de retours positifs, passé des entretiens, mais beaucoup de chefs d’entreprises me répondaient qu’ils ne voulaient pas être responsables de l’arrêt de mes études.
Et depuis 4 mois je suis sous contrat en freelance avec une plateforme de blog montée par une personne et rassemblant un collectif de 3 autres freelances.

Donc tu es sur une activité un peu différente de l’entreprise traditionnelle…

Oui mais je connais quand même l’univers de l’entreprise traditionnelle. A la base je cherchais un cdi, j’ai fait plusieurs entretiens, mais je me suis adapté pour le blog parce que le travail m’intéressait en lui même. Donc ça m’a permis de devenir auto-entrepreneur à temps plein.
J’avais déjà essayé ce statut auto-entrepreneur avant, mais les CCI et autres institutions ne connaissent pas, ils ne savent pas qu’on peut monter une EURL à 16 ans si on veut. Ils ne connaissent pas les lois, à chaque fois il fallait que ça passe par les services juridiques… C’était compliqué, ça mettait plusieurs mois, et j’ai lâché l’affaire, comme c’était plus un « passe-temps ».
Je m’y suis remis là du coup, comme les gens commencent à être plus au courant, qu’on parle plus du statut de l’auto entrepreneur, j’ai 17 ans donc ça va un peu mieux aussi. Le statut me permet de facturer mon travail.

Quand tu as démarché les entreprises, est ce que tu as essayé de te conforter à une démarche traditionnelle ?

Je me suis dis que je n’avais pas besoin de travailler, j’étais encore au lycée. Mon état d’esprit c’était « si j’arrête et que je bosse, c’est pour quelque chose qui me plait. ».
Du coup quand j’ai envoyé mes candidatures, j’ai parlé hyper sincèrement de ce que je faisais et pourquoi, sans passer par les formules traditionnelles « sincères salutations distinguées » ou je sais pas trop quoi, j’ai fait comme je le sentais. Je partais du principe que si une entreprise n’appréciait pas cette façon de me présenter, c’est que je ne me sentirais pas bien en travaillant pour elle, du coup j’ai fait ça naturellement,  et ça s’est en général bien passé.
Je pense que c’est plus comme ça qu’il faut faire, mais c’est une démarche perso, d’autres préfèreront travailler dans les grands groupes et dans ce cas c’est peut-être mieux d’avoir une démarche conventionnelle.

Tu penses que le lycée t’a préparé à la réalité du travail ? Est ce qu’on t’a guidé pour aller vers des études adaptées à ce que tu voulais faire et où tu aurais un travail ?

Je pense qu’il ne faut pas du tout écouter ce qu’on dit à l’école à ce niveau là. Moi par exemple, on m’a toujours dit que je n’aurais pas mon brevet, mon bac, malgré mes bonnes notes, parce que j’allais un peu à contre courant.
Dans le système scolaire, beaucoup sont rabaissés, déjà au collège les profs disent aux élèves « Ça ne sert à rien, tu ne feras pas ça de ta vie tu n’as pas le niveau » ou au lycée, que parce qu’ils n’ont pas 12 en histoire, 14 en maths, ils ne pourront pas faire le métier qu’ils veulent mais qu’ils devront se contenter d’un métier « mainstream ».
Je trouve ça fort dommage. Pour moi ce sont des potentiels dénigrés. Et franchement si on a pas des parents qui soutiennent notre démarche et qui écoutent ce qui est dit à l’école ça peut être très difficile et très démotivant. Il ne faut donc pas écouter ce type de propos, mais plutôt se construire sa propre voie, parce que rien n’est impossible. On a beaucoup d’exemples aujourd’hui de personnes qui se lancent et réussissent très très bien. Même si les gens n’ont pas la moyenne qu’ils sont censés avoir il faut contrebalancer avec des projets et de l’expérience personnelle et ça pèsera en comparaison d’un mec avec un diplôme.

C’est ta curiosité qui t’a poussée à apprendre à développer ?

L’informatique c’est quelque chose que j’ai toujours aimé. Pour le développement je n’ai jamais suivi de cours, de tutos, ou quoi que ce soit. En fait je suis développeur par « défaut » si on peut dire ça, dans le sens ou j’ai toujours fait des projets pour le web (j’ai commencé à 11 ans), avec un aspect technique. Alors plutôt que de chercher quelqu’un pour s’occuper de cet aspect, j’ai appris à le faire moi même.
Le développement est un moyen de faire les projets que je veux réaliser, et de gagner de l’argent pour m’autofinancer après. Dans le fond je suis plus entrepreneur que développeur.

Tu as le sentiment d’avoir fait des erreurs de parcours ? Est ce qu’un jour tu t’es dis que tu t’étais planté, mais que tu finirais par en retirer quelque chose ?

Pour moi je me suis planté nulle part parce que j’ai fait ce que j’avais envie de faire. C’est un peu ma philosophie de vie en même temps. Je fais ce que j’ai envie de faire. C’est ce que je disais à ma mère pour la rassurer, j’ai jamais redoublé, donc même si j’échoue professionnellement je pourrais retourner au lycée.
Le moment un peu difficile que j’ai vécu dernièrement c’était après ma prise d’indépendance au bout de 3 mois de travail. Au bout d’un ou deux mois, j’ai commencé à avoir des difficultés à me motiver à travailler en télétravail. C’est difficile de se motiver à travailler quand on est seul chez soi, et d’autant plus quand ça n’est pas son propre projet, même si on l’apprécie. A cause de ce que je pense être le contre coup du rythme scolaire où on est en vacances toutes les 2 semaines, il y a eu un mois où j’ai été beaucoup moins productif. Et en étant payé à la journée, je gagnais forcément moins d’argent…
Donc il faut se motiver, et ces expériences permettent aussi d’apprendre. On est à des âges où l’on ne risque pas grand chose, souvent il y a les parents. Si on se rate ce n’est pas un drame, même s’il faut quand même toujours prévoir, pas se lancer et investir beaucoup d’argent si l’on n’est pas sûr. Il faut être prudent mais faut oser le faire.

Et pour tes réussites ? Qu’est ce que tu en retires ?

Pas avoir eu à passer mon bac ! Ça c’est une fierté ! C’est peut-être bête de dire ça, mais je n’aime pas le système de l’éducation tel qu’il est aujourd’hui, donc pour moi c’était un peu un pied de nez à l’éducation et à tous mes profs qui ont pu me démotiver. Sur Twitter dans ma description c’est bachelor-1. C’est une revanche, la fierté de l’indépendance.

On peut dire que les entrepreneurs se font leur propre école finalement ?

Il y a beaucoup de grandes réussites sans diplôme, ce qu’il faut c’est se forger son expérience avec des projets personnels. Il faut développer une logique et une gestion pour pouvoir entreprendre. Dans certaines annonces, des entreprises cherchent des personnes ayant l’âme d’entrepreneur, même s’ils pêchent un peu niveau technique. Quand c’est de la théorie, on peut apprendre au sein de l’entreprise, c’est facile à rattraper, alors que l’état d’esprit entrepreneur est plutôt quelque chose liée à la personnalité.

Quand tu as fait ta démarche d’envoi de CV est ce que tu as essayé de mettre en avant tes compétences, en montrant des sites que tu avais pu faire par exemple ?

Pour moi il faut de toute façon justifier l’envoi de ce CV. On peut pas dire « ben voilà moi j’ai envie de travailler dans ce domaine mais j’ai pas de compétences particulières ou j’ai jamais rien fait là dedans » il faut montrer des preuves. Donc j’envoie une liste de 50 projets divers et variés. J’ai pu remarquer qu’au final le simple fait de dire qu’on a fait des projets plait. Les recruteurs ne s’attardent pas sur la réussite du projet, mais s’attache plutôt à la construction et à la mécanique.

Aujourd’hui on dit qu’on est la « génération sacrifiée, de la galère » Mais est ce que tu ne penses pas que ta vie pourrait être meilleure que celle de tes parents ?

Je pense que si on se donne les moyens on peut réussir. Certaines personnes ne vont pas s’épanouir dans le travail mais dans des passions sur leur temps de loisirs, comme la musique par exemple… Moi ma passion c’est l’entrepreneuriat donc mon épanouissement est forcément lié à ma vie professionnelle.
Par rapport à mes parents je pense que mon avenir pourrait être meilleur grâce à l’entrepreneuriat. Enfin ce sera beaucoup moins facile que mes parents qui sont salariés, ça va amener à faire des sacrifices familiaux et personnels en général, à des contraintes, mais ça correspond à une philosophie de vie. Donc je pense que l’entrepreneuriat est une des plus belles choses qu’on puisse faire.

Donc tu n’imagines pas la vie sans ton travail ?

Je ne vois même pas l’entrepreneuriat comme un travail en fait. Je n’aime pas mon boulot en lui même, parce que pour l’instant c’est développeur. Mais ce que j’aime c’est après ce travail là pouvoir bosser sur mes projets, et faire plein de choses autour : la gestion de projets, le développement d’idées, de conception, le marketing.

Et est-ce que pour ton job de développeur tu t’estimes payé à la hauteur de tes qualifications ?

Alors de mes qualifications vu que j’en ai aucune, oui. Après pour moi développeur c’est appliquer un cahier des charges, en gros,  c’est de l’application, il n’y a pas beaucoup de réflexion personnelle à avoir. Donc je pense être payé assez parce que pour moi l’autodidacte est forcément moins productif que quelqu’un qui a été préparé à travailler sur ce type de poste applicatif.
Et pour moi qui suis en freelance les factures dépendent de ce que je produis, donc ce que je gagne est assez logique. Mais les gens profitent aussi beaucoup de ne pas avoir à monnayer les diplômes. Ils ne voient pas les autodidactes comme une chance mais comme un « sans-diplôme » qu’ils pourront payer beaucoup moins cher.

Tu te sens moins qualifié que quelqu’un qui sort d’une école ?

Non pas du tout, même s’il y a des différences dans l’apprentissage. En école ils auront par exemple eu des cours législatifs, ce que je n’ai pas appris moi.  Mais on apprend bien plus sur le tas de toute façon. Je suis fier de ne pas avoir fait des études et j’espère ne jamais en faire. Il y a une certaine mise en case quand on sort d’études. C’est assez logique, sur une promo de 100 personnes, on aura des gens qui ont appris la même chose, de la même façon, qui vont faire le même boulot, aucun ne va sortir du lot et je trouve ça dommage.
Pour citer un exemple, Xavier Niel, le président d’Iliade, disait que dans sa boite, chez Free il y avait peut-être 5 bac+3, et 1 seul bac+8. Et en rigolant il expliquait que ce bac+8 lui servait à communiquer avec les bac+8 des autres entreprises. Il préfère recruter des gens autodidacte, et on voit de plus en plus cette démarche. Les études pour moi c’est des compétences perdues à cause d’un certain conformisme.

Et maintenant, parlons d’Up To Youth… Qu’est ce qui t’a poussé à t’inscrire sur la plateforme ?

C’est plus par curiosité, pour me développer un certain réseau. Et pour participer si il y a un concours qui m’intéresse.

Quels sont tes objectifs d’ici à un an ? Dans 5 ans ?

De vivre de mes projets ! J’en ai un certain nombre en parallèle, donc j’aimerais en avoir lancé au moins 2. Et dans 5 ans, je me vois à l’initiative de plusieurs entreprises.

Un dernier message à passer ?

N’écoutez pas ce qu’on vous dit, les proches, les profs… N’écoutez que vous-même, tâtez le terrain pour vous faire votre propre opinion. Tentez, faites des projets plutôt que de regarder la télé. Ce n’est pas impossible, il n’y a pas besoin de mille et de cents pour monter un projet. Il faut oser, il faut entreprendre !

Lien original: http://www.uptoyouth.fr/interview-de-membre-bonjour-dipsy/.

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